SYRIE/FRANCE : SOYONS UN PEU RAISONNABLES

Alain Rodier
Ancien officier supérieur des
services de renseignement français.
Directeur de recherche au Centre
Français de Recherche sur le Renseignement (CF2R), en charge du terrorisme et
de la criminalité organisée.

 

Je ne connais pas les conseillers des hommes politiques[1], qu’ils soient de droite ou de gauche, qui inspirent l’action de ces derniers vis-à-vis de la Syrie. Il est possible -et même probable – qu’ils détiennent
des informations recoupées qui ne sont pas accessibles aux citoyens moyens que nous sommes. Peut-être sont-ce ces renseignements qui provoquent les réactions de notre élite politique vis-à-vis de la crise syrienne.
Mais alors, qu’ils en fassent état de manière à mieux faire comprendre leur attitude. Car en effet, pour le moment, les seules raisons avancées sont la « protection des populations » contre le pouvoir de Damas.
Une première question se pose : quelles populations ? Les sunnites, les Alaouites, les chrétiens, les Kurdes ? Nous avons aujourd’hui affaire à une guerre civile et tout le monde sait que ce type de conflit a toujours été à l’origine d’atrocités commises par les deux camps.
L’ONU vient de reconnaître que les forces étatiques étaient responsables de crimes contre l’humanité ET que l’opposition armée l’était de crimes de guerre. Cette disproportion tient vraisemblablement au fait que les forces gouvernementales, en particulier les sinistres milices shabiha, sont détentrices des moyens de la violence d’Etat, lesquels sont actuellement supérieurs à ceux des insurgés. Par contre, une fois que ces derniers seront parvenus au pouvoir, il est probable que nous assisterons « stupéfaits » à de véritables massacres de membres de minorités ethniques ou religieuses. C’est d’ailleurs cette perspective qui pousse les Alaouites à se battre férocement car ils ont le dos au mur, sachant que pour eux, ce sera la valise ou le cercueil.
Si c’est toujours le principe humanitaire qui guide nos politiques, il est légitime de se poser une seconde question: pourquoi se limiter à la Syrie ? Il existe malheureusement de par le monde une multitude d’Etats où
les populations civiles sont opprimées et menacées : les chrétiens au Nigeria, les hindouistes au Pakistan, les personnes réduites à une situation qui peut s’apparenter à de l’esclavage dans de nombreux pays moyen-orientaux, les civils pris entre les forces de sécurité et les narcotrafiquants au Mexique, etc.
Si l’on rêve d’établir par la force des démocraties à l’occidentale à l’étranger, la majeure partie des Etats (et pas des moindres) pourrait être visée.
Si enfin il s’agit d’une guerre par procuration – comme l’a affirmé le secrétaire général de l’ONU – destinée à affaiblir le grand allié de la Syrie, l’Iran, afin que cet Etat renonce à ses ambitions militaires dans le domaine
nucléaire, l’auteur peut comprendre que cela ne soit pas étalé sur la place publique. Toutefois, ce machiavélisme n’est théoriquement pas une méthode employée par les « gentils » Européens.
Quant à faire plier la Russie et la Chine, est-ce que le fait de les avoir ridiculisé en Libye n’a pas servi de leçon ? Ce sont deux grandes puissances à l’ego très susceptible qui peuvent rivaliser avec les Etats-Unis
sur beaucoup de plans et qui laissent loin derrière la « vieille Europe » acariâtre et donneuse de leçons. Les deux capitales, Moscou et Pékin, se sentent humiliées et ne sont pas prêtes à oublier le camouflet
qu’elles ont subi.

Il est fort probable qu’elles vont nous le faire payer et leur soutien au…

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