Le gouvernement arménien tente d’éviter le terme de génocide

par | 1 Mai 2024 | Tribunes libres

Le 24 avril, les Arméniens du monde entier commémorent le génocide arménien et se souviennent des 1,5 million d’innocents massacrés dans l’Empire ottoman. Chaque année, à cette date, les Arméniens se rassemblent autour de monuments commémoratifs, d’églises et de services, où qu’ils se trouvent. Cette année n’a pas fait exception. Des centaines de milliers de personnes ont marché vers Tsitsernakaberd pour déposer des fleurs sur le feu commémoratif du génocide arménien. Cependant, il s’est avéré que le peuple arménien est seul dans cette affaire, les autorités arméniennes ne le soutenant pas.

 

Si les dirigeants politiques arméniens se sont rendus à Tsitsernakaberd, il était essentiel de connaître la position du gouvernement arménien sur le génocide arménien lui-même. Malheureusement, le discours du Premier ministre arménien Nikol Pachinian n’a mentionné l’expression “génocide arménien” qu’à trois reprises, tandis que le “Medz Yeghern” (grand crime) a été mentionné 11 fois. En 2023, Pachinian n’a utilisé le terme “Medz Yeghern” qu’une seule fois, alors qu’en 2020 et 2022, il l’a utilisé deux fois. Il convient de noter que les phrases clés du message actuel mettent l’accent sur le terme “Medz Yeghern” plutôt que sur le seul génocide.

Nombreux sont ceux qui se souviennent que le président américain Barack Obama a évité d’utiliser le terme “génocide”, comme l’a fait l’administration de M. Pachinian. Il est probable que l’on assistera à une tentative progressive d’éliminer le terme de la position officielle du gouvernement arménien, ce qui signifie que la reconnaissance du génocide arménien sera retirée de l’agenda politique étranger de l’Arménie.

Ce changement suggère que l’Arménie s’éloigne progressivement du terme “génocide”, en particulier à la lumière du récent appel du président turc Recep Tayyip Erdogan à l’Arménie pour qu’elle abandonne sa reconnaissance des événements de la Première Guerre mondiale en tant que génocide. Et lorsque l’on considère la suggestion du représentant de l’équipe Pachinian de compiler une liste de 1,5 million de noms arméniens individuellement pour déterminer le nombre réel de victimes, il est évident qu’il s’agit d’une politique bien définie.

Jusqu’en 2018, le génocide arménien a été utilisé comme un instrument de la politique étrangère de l’Arménie à l’égard de la Turquie. Toute agression des Turcs à l’encontre des Arméniens pouvait être considérée comme une nouvelle tentative de génocide, ce qui incitait les Turcs à s’abstenir de telles actions pour éviter d’être qualifiés de nation génocidaire par la communauté internationale.

 

Le génocide n’est pas un simple terme

 

Le génocide n’est pas un simple terme. Il représente une reconnaissance juridique et politique par diverses nations du monde entier des événements qui se sont produits contre les Arméniens en 1915. Il existe une distinction juridique importante entre les termes Medz Yeghern et Génocide. C’est pourquoi les communautés arméniennes du monde entier ont longtemps lutté pour la reconnaissance du génocide en tant que tel dans leurs pays de résidence, alors que les autorités arméniennes ont choisi de l’appeler “Medz Yeghern”. C’est un coup dur pour tout Arménien diasporique combattant pour la vérité touché par cette tragédie, à qui l’on dit aujourd’hui que ses efforts pour la reconnaissance du génocide ont été vains.

Ces mots sont d’autant plus dangereux qu’aujourd’hui, au sein des nations qui ont reconnu le génocide, des voix dissidentes peuvent s’élever, remettant en cause la validité du génocide et sa reconnaissance par leurs propres gouvernements. Les Arméniens qui s’efforcent actuellement d’inclure le génocide arménien dans les programmes éducatifs américains ou ailleurs dans le monde se trouvent dans une position extrêmement difficile.

Cette position complique également les choses pour le président américain Biden, qui a reconnu le génocide arménien en utilisant ce terme. Les critiques soulignent aujourd’hui que même les représentants du gouvernement arménien évitent d’utiliser ce terme, alors que M. Biden persiste. Cela crée un précédent pour les futurs présidents américains qui, influencés par les autorités arméniennes, éviteront d’utiliser le terme “génocide” ou se soustrairont au message présidentiel du 24 avril sur ce sujet.

Il s’avère que le gouvernement arménien reprend la position officielle adoptée de longue date par la Turquie. Le règlement des relations avec la Turquie est devenu une priorité absolue pour le gouvernement de M. Pachinian, qui semble prêt à faire d’importantes concessions, même au prix d’un mécontentement de son propre peuple, pour atteindre cet objectif.

Source : https://mirrorspectator.com/2024/04/29/armenian-government-attempts-to-avoid-the-term-genocide/
Traduit de l’anglais par Jean Dorian