Les propos inappropriés du Premier ministre lui portent préjudice

par | 14 Juin 2025 | Tribunes libres

Le discours inapproprié du Premier ministre Nikol Pachinyan porte atteinte à sa personne et à sa fonction, alors que l’église reste un pilier arménien

 

Hélas, M. Pashinyan… Il nous est très difficile de comprendre le raisonnement à courte vue, dans l’état psychologique actuel déjà fragile du pays, qui vous a conduit, par un langage provocateur et grossier visant les dirigeants de l’Église apostolique arménienne, à n’humilier en fin de compte que vous-même et vos cercles immédiats.

Monsieur le Premier ministre, nous avons exprimé à plusieurs reprises la demande de l’écrasante majorité de la population arménienne bien informée pour que vous réunissiez toutes les structures importantes de notre peuple afin que nous puissions être en mesure de surmonter les grands dangers existentiels qui menacent aujourd’hui notre patrie et notre nation.

Il est inacceptable pour nous tous que non seulement vous n’ayez fait pratiquement aucun effort à cet égard jusqu’à aujourd’hui, mais qu’au contraire, vous et votre entourage immédiat, manifestement avec votre encouragement, utilisiez un vocabulaire des plus incendiaires pour les Arméniens ordinaires polis, et déclariez la guerre aux hauts hiérarques de l’Église arménienne. Nous devons en déduire que vous ignorez délibérément que l’Eglise arménienne, avec sa structure mondiale, a été pendant 17 siècles et reste, malgré certains défauts, l’un des facteurs les plus importants assurant la survie de notre pays.

Dans ces circonstances, Votre Excellence, afin de rester cohérents, nous sommes obligés de vous rappeler à nouveau que nos intérêts nationaux suprêmes exigent que vous considériez, en cette période de crise grave, comme votre obligation première et la plus sérieuse de créer une plate-forme pour l’unité nationale, où toutes les structures importantes représentant le pouvoir de l’ensemble du peuple arménien, qu’elles opèrent dans la patrie ou dans la diaspora – politiques, intellectuelles, scientifiques et oui, même spirituelles – se réunissent. Ce n’est qu’avec toutes nos forces combinées et coordonnées que nous pourrons construire les puissantes défenses qui nous permettront, nous l’espérons, de combattre efficacement et finalement de surmonter le tourbillon sans précédent des dangers mondiaux actuels.

Il n’est tout simplement pas permis à chacun d’entre nous, et en particulier à vous, Monsieur le Premier ministre, dans les conditions de crise actuelles, d’ignorer ou d’affaiblir l’une des racines de notre résilience nationale, en l’occurrence l’Église arménienne.

Les motifs sérieux de critique ne manquent pas.

Au prix d’une répétition, nous sommes obligés de préciser, Monsieur le Premier Ministre, qu’avant tout, au nom du peuple arménien, vous êtes tenu de corriger toutes les omissions de responsabilités dans les domaines considérés comme vos devoirs nationaux.

Nous exigeons que vous renforciez et modernisiez l’armée nationale qui protège les frontières de notre pays à la mesure de la gravité des dangers actuels. Sans cela, les accords diplomatiques resteront impuissants et sans effet.

Nous exigeons que, parallèlement au développement de l’économie, vous encouragiez notre peuple à devenir maître de sa langue maternelle, de son histoire et de sa culture.

Nous exigeons que nos lieux saints ne fassent pas l’objet de marchandages politiques, y compris notre Mont Ararat sacré, symbole séculaire de l’Arménie, exigence non négociable de justice pour le génocide arménien, et l’Artsakh qui, après trente ans de gloire, se trouve aujourd’hui avec ses églises transformées en mosquées et ses monuments nationaux historiques en ruines.

Nous demandons en particulier, Monsieur le Premier Ministre, que vous considériez comme une priorité l’organisation, au moyen de ressources publiques importantes, de réseaux d’information de portée internationale, afin de construire une opinion publique pro-arménienne au niveau international. A l’heure actuelle, ces réseaux sont tout simplement inexistants et le champ est largement ouvert à la désinformation azerbaïdjanaise.

C’est à cause de vos omissions majeures susmentionnées, Monsieur le Premier ministre, que nous avons perdu le Karabakh, avec toutes ses richesses nationales. Il est également incroyable, condamnable et extrêmement dangereux qu’à ce jour, l’État arménien n’ait encore pris aucune mesure efficace alors que l’administration azerbaïdjanaise et l’ensemble de sa presse appellent librement l’ensemble de l’Arménie elle-même « Azerbaïdjan occidental ».

Nous savons, bien sûr, Monsieur le Premier ministre, que vos ressources sont quelque peu limitées, mais l’une de vos principales lacunes est également l’absence d’une attitude sérieuse de l’État à l’égard de la diaspora, qui, bien que par nature inévitablement non coordonnée, dispose d’énormes ressources.

Après tout cela, en ce qui concerne les questions relatives à la structure de l’Église arménienne, comme c’est le cas pour toutes nos autres institutions, y compris les institutions politiques, il est naturel et correct que, comme par le passé, il y ait encore d’importantes réformes qui doivent être menées à bien aujourd’hui. Cependant, dans le contexte de ces préoccupations, par rapport à nos autres structures, notre Église, avec la participation du clergé et des laïcs, dispose heureusement d’un mécanisme administratif canonique très sérieux, grâce auquel, comme par le passé, des améliorations doivent être apportées aujourd’hui. Dans ce système administratif légitime, chaque fidèle Arménien baptisé avec le saint Myron a les mêmes devoirs et les mêmes droits. Ce n’est qu’en remplissant ces conditions que vous pourrez également jouir de ces devoirs et de ces droits. Cependant, il est absolument clair que votre position de premier ministre, constitutionnellement, ne vous accorde aucun droit supplémentaire dans ce domaine.

C’est pourquoi il est inacceptable et condamnable pour nous tous que vous et votre entourage ayez attaqué avec un langage inacceptable de hauts serviteurs de l’Église arménienne. Au contraire, Monsieur le Premier ministre, on attend maintenant de vous que vous vous excusiez publiquement auprès de l’Église et de la société arménienne pour vos écrits inappropriés et honteux, car on attend de vous un comportement d’un niveau beaucoup plus élevé.

En conclusion, nous répéterons que, malheureusement, en ces jours de détresse déjà critiques, vos écrits honteux nous ont forcés à nous écarter un instant des plus grandes préoccupations existentielles nationales.

Monsieur le Premier ministre, en reprenant les mots immortels du poète Vahan Tekeyan, en tant que parents spirituels, « l’Église est le berceau de l’âme du peuple arménien », nous, et vous, devons l’approcher avec amour et de manière constructive, et la nourrir. A condition que toutes les attentes énumérées ci-dessus que nous avons envers vous soient pleinement satisfaites, et aussi longtemps que vous occuperez le plus haut poste de responsabilité de la patrie, nous, Monsieur le Premier Ministre, considérant notre devoir, continuerons également à vous donner l’assurance de notre coopération dans les limites de nos capacités dans votre travail actuel décidément difficile de surmonter les dangers qui menacent notre patrie.