Principaux enseignements d’un entretien avec l’ambassadeur des États-Unis, Kristina Kvien

par | 17 Avr 2024 | Tribunes libres

Il y a quelques jours, le 10 avril, l’ambassadrice américaine en Arménie, Kristina Kvien, a accordé une interview à la station de radio Azatutyun (Radio Free Europe/Radio Liberty), abordant divers aspects clés des relations américano-arméniennes et de la politique étrangère des États-Unis à l’égard de la région du Caucase du Sud et de l’Arménie. L’interview, qui n’a duré que 22 minutes, a été menée de manière professionnelle par le journaliste Hegine Buniatian.

 

L’ambassadeur a répondu aux questions avec sincérité, en présentant clairement les positions pragmatiques de l’administration sur les questions clés. Bien sûr, le métier de diplomate exige une extrême prudence dans le choix de chaque mot lors des interviews et des discours, contrairement aux politologues qui n’ont pas les mêmes contraintes diplomatiques. C’est pourquoi il est essentiel de comprendre le message que l’ambassadeur Kvien a réellement transmis au public arménien.

Il convient de noter qu’avant cette interview, qui représente la position officielle du gouvernement américain, des médias et des groupes de réflexion occidentaux avaient déjà publié des articles et des études soulignant des points très similaires sur le sujet. L’Occident ne veut absolument pas que l’Arménie attende plus que ce qu’elle est en mesure d’offrir, y compris des garanties de sécurité.

Auparavant, la RAND Corporation, un groupe de réflexion de haut niveau basé à Washington, avait publié une étude intitulée “Les États-Unis ne peuvent pas garantir la sécurité de l’Arménie, malgré les menaces de l’Azerbaïdjan, mais ils peuvent l’aider”, soulignant l’importance pour l’Arménie d’améliorer ses liens avec la Russie. La position de l’ambassadeur reflète étroitement les sentiments exprimés dans un article de la RAND et de Politico intitulé “Armenia’s EU Dream Faces a Big Obstacle : The Russian Army” (Le rêve arménien d’adhésion à l’UE se heurte à un obstacle de taille : l’armée russe).

L’une des principales conclusions que j’en tire est la réticence de Washington à offrir à l’Arménie d’autres garanties de sécurité contre une éventuelle intervention ou agression de l’Azerbaïdjan. L’ambassadeur a souligné les efforts américains pour promouvoir la paix, mais a reconnu l’absence de mécanismes efficaces pour tenir l’Azerbaïdjan pour responsable. Cela indique qu’il est peu probable que les États-Unis défendent l’Arménie en cas d’attaque, ce qui exclut le déploiement de troupes ou la vente d’armes, comme il en est parfois question en Arménie.

Comme je l’ai indiqué précédemment, les États-Unis ont montré peu d’intérêt à établir une présence dans la région du Caucase du Sud, s’abstenant notamment d’installer des bases militaires en Géorgie en dépit d’une étroite coopération en matière de sécurité. En outre, les États-Unis cherchent à éviter de contrarier l’Iran et la Russie, compte tenu de la présence d’une base militaire russe en Arménie et de la frontière commune entre l’Arménie et l’Iran.

Un autre élément crucial à retenir est que les États-Unis ne tiendront pas Aliyev pour responsable de ses actes à l’égard du peuple de l’Artsakh. Il est clair que les États-Unis n’appliqueront aucune sanction à Aliyev, car l’Azerbaïdjan a la même importance que l’Arménie pour les États-Unis. En outre, les États-Unis n’ont pas encore qualifié les événements de l’Artsakh de nettoyage ethnique. Cette absence de reconnaissance permet à Aliyev de poursuivre ses politiques, même les plus agressives, avec un sentiment de facilité. À cet égard, la communauté arménienne des États-Unis peut jouer un rôle essentiel en collaborant avec le Congrès pour plaider en faveur de la responsabilisation d’Aliyev et en exhortant le gouvernement américain à identifier correctement la situation.

L’impression que j’ai retirée de cet entretien est que Washington n’encourage pas la détérioration des relations arméno-russes, car il ne pourrait rien offrir en cas de réaction éventuelle de la Russie. Comme l’a révélé l’interview, l’ambassadeur a déclaré que l’Arménie peut avoir n’importe quel médiateur pour le processus de paix, ce qui serait bénéfique pour Washington, même si le médiateur n’est pas les États-Unis. Il est clair que si ce n’est pas l’Occident, alors seul Moscou peut être ce médiateur et ce négociateur potentiel entre Erevan et Bakou.

 

Source: https://mirrorspectator.com/2024/04/14/key-takeaways-from-an-interview-with-us-ambassador-kvien/
Traduit de l’anglais par Jean Dorian