À qui appartient la langue française ?

par | 2 Juil 2025 | Tribunes libres

À qui appartient la langue française ?
Un débat absurde

 

Par Pierre Gusdorf

 

A l’occasion d’un colloque consacré à l’avenir de la francophonie, un homme politique a tenu des propos qui ont provoqué diverses réactions. Au-delà du caractère délibérément provocateur de certaines formulations, le fonds du débat se résume à un constat largement partagé : la langue française, comme toute langue, est un bien commun qui évolue et s’enrichit grâce à tous ses locuteurs.

Les projections indiquent que le nombre de locuteurs francophones passera de 345 millions à 570 millions en 2030. Une majorité d’entre eux habitera en Afrique; il est vraisemblable que la République démocratique du Congo comptera plus de francophones que la France. On ne peut que se réjouir de ce dynamisme. Doit-on considérer pour autant que « la langue française n’est pas la propriété de la nation française » et qu’il faudrait « trouver un autre mot que “langue française” pour la qualifier » ? Tentons de répondre :

– l’idée de propriété d’une langue est absurde : une langue ne peut être possédée ainsi qu’un objet physique; elle est un moyen de communication et d’expression qui transcende les groupes sociaux et les frontières;
– l’idée d’un changement de dénomination est dépourvue d’intérêt : la langue de Molière est nommée « suisse romand », « québecois »,
« créole français », « français de Belgique », « français africain » selon l’endroit où on la parle. Le terme de « langue française » n’a rien de contraignant.

Il est également absurde de vouloir refaire l’Histoire. Dans la plupart des pays, la langue est un élément central de l’identité nationale. En France, la langue française constitue depuis 1539 un symbole de l’unité et de la culture nationales. Comme l’écrivait Fernand Braudel,
« la France, c’est d’abord la langue française ». Ce qui n’interdit pas de l’enrichir par d’innombrables emprunts à d’autres cultures francophones ou non.

Source :
dlf – Défense de la langue française