Un conseiller de Macron devient ambassadeur en Turquie

par | 21 Août 2023 | Tribunes libres

Un conseiller de Macron devient ambassadeur en Turquie : Quelles questions seront au premier plan des relations turco-françaises ?

 

Isabelle Dumont, la nouvelle ambassadrice en Turquie nommée par le président français Emmanuel Macron, prendra ses fonctions à Ankara cette semaine. Mme Dumont était conseillère du président Macron pour les affaires européennes et turques depuis trois ans.

 

Les relations Ankara-Paris, qui ont connu d’importantes tensions entre 2019 et 2021, d’abord en raison de l’opération transfrontalière des forces armées turques en Syrie, puis de l’activité en Méditerranée orientale, sont récemment entrées dans un processus de normalisation grâce aux mesures prises par les deux parties et à la quête de la Turquie pour relancer les liens avec l’Union européenne (UE).

L’intention du président Recep Tayyip Erdogan d’ouvrir un nouveau chapitre dans les relations avec l’UE après la fin des élections turques est considérée comme un signe qu’Ankara entamera un processus plus intensif avec Bruxelles et les principales capitales de l’UE telles que Paris et Berlin.

Durant cette période critique, le président français Macron a nommé Isabelle Dumont, qui travaillait comme conseillère pour l’Europe et la Turquie à l’Élysée depuis 2020, ambassadrice en Turquie en mai, en remplacement d’Hervé Magro, dont le mandat à Ankara avait expiré.

Mme Dumont arrivera à Ankara dans le courant de la semaine et prendra ses fonctions officielles après avoir remis sa lettre de créance au président Erdoğan.

Isabelle Dumont, nouvelle ambassadrice en Turquie

PARLE COURAMMENT LE TURC

Madame Dumont n’est pas un diplomate étranger en Turquie. Mme Dumont, qui a été ambassadrice à Ankara entre 2011 et 2013, parle couramment le turc. Mme Dumont, qui est considérée comme l’une des plus brillantes diplomates des Affaires étrangères françaises, a été la première femme ambassadrice nommée par l’une des parties dans la capitale de l’autre dans l’histoire des relations diplomatiques turco-françaises, qui remonte à 500 ans.

Après sa première mission à Ankara, Mme Dumont est rentré à Paris et a travaillé comme directeur adjoint pour la Russie et l’Europe de l’Est au ministère des Affaires étrangères avant d’être nommé ambassadeur en Ukraine en 2015 et à Chypre en 2019.
Mme Dumont, qui est connu pour avoir joué un rôle important dans la gestion des tensions avec la Turquie et l’organisation de réunions en face-à-face entre les deux présidents en marge des vidéoconférences et des réunions internationales lorsqu’il était conseiller de M. Macron, avait été en contact avec ses homologues à Ankara pendant son mandat.

Au cours de la même période avec la France, la Turquie a également procédé à un changement de poste à l’ambassade de Paris. Selon le décret publié au printemps avec la signature du président Erdoğan, Yunus Demirer, qui occupe actuellement le poste d’ambassadeur de Turquie à Bratislava, a été nommé pour remplacer Ali Onaner, ambassadeur à Paris depuis 2021.

LA COOPERATION BILATERALE, LE PROCESSUS TURQUIE-UE ET LES CONFLITS REGIONAUX A L’ORDRE DU JOUR

Selon des sources diplomatiques, les relations Ankara-Paris vont s’intensifier dans la période à venir dans le contexte de la coopération bilatérale, du processus Turquie-UE et des conflits régionaux.

Dans sa dernière déclaration à la presse turque avant de quitter la Turquie, l’ancien ambassadeur Magro a mis l’accent sur les relations Turquie-UE en particulier et a déclaré que “la Turquie est un partenaire indispensable pour l’Union européenne”. “J’espère qu’une nouvelle page s’ouvrira dans les semaines à venir”, a déclaré M. Magro, attirant l’attention sur l’intensification des contacts entre Ankara et Bruxelles à partir de l’automne.

Le rapport sur l’avenir des relations Turquie-UE que Josep Borrell, haut représentant de l’UE pour la politique étrangère et la sécurité, doit soumettre à l’UE constituera la base de la coopération future. Toutefois, des sources diplomatiques notent que le nouveau cadre de coopération ne devrait pas inclure une perspective d’adhésion à part entière pour des raisons telles que la poursuite de la régression des droits de l’homme et de la démocratisation en Turquie dans la période post-électorale et la non-application des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH).

Dans ce contexte, parmi les questions auxquelles la France attache de l’importance figure la prévention d’une nouvelle crise en Méditerranée orientale du type de celle vécue au cours de la période 2019-2020.

On note que Macron a soulevé la question lors de sa rencontre avec Erdoğan pendant le sommet de l’OTAN et a même suggéré que Paris pourrait intervenir pour la solution du problème chypriote.

Les messages plus souples d’Erdoğan concernant la solution du problème chypriote par rapport à la période précédente sont considérés comme une évolution remarquable tant à Paris que dans d’autres capitales de l’UE.

UKRAINE, KARABAKH, SYRIE ET LIBYE

Les futurs contacts entre la France et la Turquie porteront également sur l’évolution des zones de conflit dans lesquelles les deux pays ont des intérêts et des préoccupations. La tentative d’invasion de l’Ukraine par la Russie et ses implications mondiales figurent parmi les questions les plus importantes.

Des sources diplomatiques notent que les politiques des deux pays sont généralement en harmonie et que les initiatives d’Ankara pour la rallonge du corridor céréalier sont bien accueillies par Paris. Dans ce processus, la France attend de la Turquie qu’elle ne retarde pas davantage l’adhésion de la Suède à l’OTAN et qu’elle entame le processus d’approbation nécessaire dès le mois d’octobre dans le cadre du compromis obtenu en Lituanie.

Les zones de conflit où la France et la Turquie ont des divergences d’opinion importantes sont le Haut-Karabakh, la Syrie et la Libye. Dans les récentes tensions entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie au sujet du Haut-Karabakh, la Turquie s’est entièrement rangée du côté de Bakou, tandis que la France et l’UE ont appelé Bakou à s’abstenir de prendre des mesures susceptibles de créer des problèmes humanitaires dans la région. La France souhaite que la Turquie use de son influence sur l’Azerbaïdjan afin de parvenir à un traité de paix global entre Bakou et Erevan.

MACRON VIENDRA-T-IL EN TURQUIE ?

Une autre question d’intérêt pour l’avenir des relations bilatérales est de savoir si Macron effectuera une visite officielle de la France en Turquie, ce qui n’a pas été fait au niveau présidentiel depuis des années.

À l’invitation du président Erdoğan, des travaux préliminaires ont été menés pour organiser une telle visite en 2022, mais ils ont été suspendus en raison de l’incapacité des parties à se rencontrer sur un terrain d’entente concernant les résultats de la visite.

Paris estime qu’une éventuelle visite de Macron en Turquie devrait viser des développements concrets afin d’être plus que symbolique. La seule visite de Macron en Turquie remonte à 2018, lorsqu’il a assisté à une réunion sur la Syrie. La dernière visite d’un chef d’État entre les deux parties a été effectuée par le président Erdoğan en janvier 2018.

Source :
https://www.cumhuriyet.com.tr
BBC Türkçe
(c) Traduit du turc par Jan Varoujan